Mombarak, 18 ans. Récit d’une vie en maison d’accueil
De 4 ans à aujourd’hui 18 ans, Mombarak a vécu dans ce qu’on appelle un S.A.A.E., un Service d’Accueil et d’Aide Éducative : Le Béguinage à Bruxelles. Il s’agit d’une maison qui accueille des jeunes aux situations familiales difficiles. Je l’ai rencontré pour essayer de mieux comprendre comment on grandit séparé de ses parents.
Comment es-tu arrivé au Béguinage ?
J’y suis arrivé en 2004 avec mon frère, suite à des soucis familiaux. J’ai toujours ma maman, je rentrais chaque week-end. Même si je me plaisais au Béguinage, la séparation était chaque fois assez compliquée. Du coup, maintenant je reste un peu chez elle avant de chercher un appart. Depuis tout petit j’en rêvais ! Je disais toujours que je voulais rentrer à la maison…
Le Béguinage, c’était plutôt dortoir et réfectoire ?
Ce n’était pas un internat, plutôt une maison. On n’a jamais été plus de 15 enfants. Il y avait des chambres de deux ou trois et on était regroupé par tranche d’âge. Pour les repas, on avait une salle à manger. On ne mangeait pas forcément tous ensemble, chacun pouvait déjeuner à son heure. Il y avait juste le soir où tout le monde se retrouvait à table à 18h30, qu’on ait envie de manger ou pas. C’était convivial, comme une vraie famille ! On discutait de tout et de rien, on se mettait d’accord sur le film à regarder, sur qui allait chercher les bonbons,…
Tu n’as jamais eu l’impression d’être « enfermé » ?
Non, aussi peut-être parce que j’ai eu une « adolescence retardée » et que ce n’est qu’à partir de 17 ans que j’ai commencé à sortir beaucoup. Mais sinon il y avait des sorties organisées : on allait au théâtre, à des concerts, à des festivals comme Couleur Café. À un moment, l’équipe éducative était très jeune donc on se comprenait. On a fait plein de projets. J’ai eu l’occasion de rouler 700 km le long du Danube et de faire les 20 km de Bruxelles. J’ai aussi voyagé en Roumanie et en Suède. Pendant les vacances de Pâques, on partait tous dans gîte à Spa une semaine… Bref, c’était dynamique !
Et tu pouvais sortir voir tes potes ?
C’était chaud. Il fallait faire la demande par écrit le lundi, en argumentant et en précisant « quoi, qui, quand, où ». Ils étaient assez stricts par rapport à ça.
Quelle relation entretenais-tu avec tes éducateurs ?
J’avais un éducateur référent, Christophe, qui a été là depuis le début. Il a été un peu comme un père. C’est lui qui m’a fait connaître le rugby et le vélo. Il s’investissait vraiment, on voyait qu’il le faisait par plaisir. Sinon, en général, on était assez soudé entre éducateurs et enfants. Je trouve qu’ils étaient hyper ouverts d’esprits, avec de belles valeurs. C’était cool aussi quand on partait en vacances avec eux : on les voyait sous un autre jour, comme des grands frères.
Et la vie en groupe ne te dérangeait pas ?
Non, j’étais habitué depuis tout petit. Quand j’ai commencé à grandir, c’est vrai que c’était parfois compliqué de ne pas avoir mon coin « solo ». Mais mon camarade de chambre était quelqu’un qui était dans sa bulle. Parfois, c’était comme si j’étais vraiment seul : je lisais mes mangas et lui lisait ses trucs.
Vous avez toujours été le même groupe ?
Non, j’ai vu passer plusieurs générations d’enfants. Mais pendant 5-6 ans, on est resté le même groupe. C’était super, on avait vraiment créé des liens : on partait en vacances ensemble à la mer,… Quand j’ai eu 15 ans, des grands sont partis et des petits sont arrivés. Ça a été un changement radical : j’allais chercher les plus jeunes à leurs activités, à la danse,… Il y a aussi eu une période difficile où l’équipe éducative a beaucoup changé. J’avais chaque fois la boule au ventre en imaginant que c’était Christophe qui partait…
Comment es-tu préparé à « l’après-Béguinage » ?
Les éducateurs essaient de nous rendre le plus autonome possible. Par exemple, chaque jour, il y avait une équipe de charge pour la cuisine. C’est déjà arrivé que ce soit un peu brûlé, mais c’est comme ça qu’on apprend ! Les éducateurs nous aident aussi à trouver un appart, en général dans le même quartier que le Béguinage. Même après mes 18 ans, je sais qu’ils sont toujours là pour moi : si j’ai un souci, je peux les appeler. D’ailleurs, après l’interview, je vais passer leur dire bonjour !